De l’origine de l’Or…
L’OR COLLOÏDAL
Si l’on prend au laboratoire une solution de [AuCl4]– et si on la réduit (réaction d’oxydo-réduction) par un agent réducteur comme [SnCl3]– dans des conditions appropriées, on obtient des solutions très colorées contenant de l’or colloïdal.
L’or colloïdal est une suspension de nanoparticules d’or dans un fluide qui peut être l’eau ou un gel. La teinte de cette suspension (ce n’est pas une dissolution) varie avec les dimensions et les concentrations des particules en suspension. La teinte est rouge vif pour des particules de dimensions inférieures à 100 nanomètres *, et jaunâtre pour les plus grosses. Aussi bizarre que cela paraisse, l’or collodoïdal est connu depuis des temps anciens. Il était utilisé pour colorer des verres et des porcelaines. Les premières études scientifiques de ce mélange furent entreprises par Michael Faraday *vers 1850.
Actuellement les nanoparticules d’or sont l’objet de recherches approfondies grâce à leurs propriétés optiques et électroniques. Les champs d’applications vont de la microscopie électronique à la science des matériaux et à la nanomédecine. Leur forme présente parfois des propriétés étranges. Ainsi les particules d’or en bâtonnets offrent un pic d’absorption lumineuse transverse et longitudinale. Cette anisotropie est le témoin de leur cohésion propre. Cette caractéristique d’agrégation bien particulière, l’or sidérophile se soudant à lui-même pourrait expliquer la formation de pépites dans certaines conditions de milieu. Les dimensions des nanoparticules restent sans doute déterminantes dans la suite de l’agrégation (effets de surface, tension superficielle, transport par flottation, dépôts dans des cavités alluvionnaires…).
Cependant, il existe des dépôts aurifères dans lesquels l’or alluvionnaire n’est pas présent. L’or primaire est extrêmement divisé (<50 µm) et dispersé dans les roches ou il se trouve inclus dans les réseaux cristallins de pyrites, arsénopyrites et tellurures aurifères, il faut invoquer des processus oxydo-réducteurs discrets qui produisent l’or oxydé (+1) instable comme ci-dessus décrit. Le mérite de ces processus intermédiaires est de permettre le transport de l’or pour en réaliser un concentré.
La pureté de l’or est également un critère conditionnant sa réactivité. Plus il est pur, plus il est « noble », mais si des impuretés comme l’argent ou le cuivre l’accompagnent, les attaques oxydantes deviennent plus faciles. Le couple Au-Ag ou Au-Cu constituent en fait des micropiles initiatrices de l’oxydoréduction.
Une fois l’or dissous, il peut être réduit et précipité (accrété) après un transport sous forme de métal. Cette réduction peut être de nature chimique. Les conditions du milieu sont évidemment déterminantes, tels le pH et l’Eh. Encore une fois, la présence de sulfures peut être déterminante dans la précipitation.
La décomposition des réseaux cristallins de la pyrite, de l’arsénopyrite, et autres composés similaires comme les séléniures, tellurures ou antimoniures comme l’aurostibite (AuSb2) libère ces particules d’or qui avaient été concentrées dans un processus chimique préalable dans la formation de ces sulfures. A remarquer que ces composés de l’or, gros atome, résultent surtout de la combinaison de gros atomes.
Les mises en solution par oxydation des particules d’or autorisent son transport et elles se trouvent après restituées à l’état métallique par l’action d’agents réducteurs.
Vu sa rareté et le manque d’agent minéralisateur depuis la fuite du fer, il est très difficile de « manipuler » cet or disséminé dans les silicates du manteau. Il est donc nécessaire que la Nature joue son rôle de chimiste et dissolve ces nanoparticules puis concentre ces solutions et enfin rende l’or à l’état métallique.
La mise en solution par des réactions simples n’est pas favorisée. Il faut absolument que l’or dissous soit stabilisé sous la forme d’anions complexes (c’est comme cela qu’on appelle ces grosses molécules) plutôt que sous la forme d’un cation Au1+. Ces complexes naturels peuvent prendre la forme de [AuX2]– avec X = Cl– ou OH– par exemple. Mais des molécules organiques plus compliquées pourraient aussi intervenir. On connaît en laboratoire des polymères de ces complexes.
Vu les propriétés de surface exceptionnelle de l’or, une certaine compatibilité pourrait même s’établir avec des bactéries dites sidérophiles comme Ralstonia metallidurans ou Cupriavidus metallidurans. Ensuite, que le processus soit purement chimique ou bio-assisté, la restitution finale de l’or métallique se fait par une réaction de réduction par divers agents réducteurs présents comme les sulfures, séléniures, tellurures, antimoniures… Dans son cycle de vie la bactérie pourrait peut-être aussi éliminer l’or métallique et favoriser l’accrétion par une vie en colonies. Ainsi seraient formées les pépites ! C’est la bio-minéralisation de l’or. Mais on sait que les pépites dépassant les 100 g sont rares. On estime qu’une pepite (Madagascar) de 320 g comme celle que nous avons admirée à Interminéral 2010 n’est trouvée que tous les 20 vingts. Que dire de celle de 450 g (Australie) qui se trouve au Musée d’Histoire Naturelle de Luxembourg ?
* Génial physicien et chimiste britannique (1791 – 1867) inventeur entre autres choses de la « Cage de Faraday ».
* Un nanomètre (nm) vaut 10-9 m ou un milliardième de mètre.