Le « casse du siècle » à Zaventem, toujours un mystère cinq ans plus tard
Le coup parfait. 37,9 millions d’euros en diamants, pierres précieuses et lingots d’or, dont l’équivalent de 32 millions sont encore dans la nature. 24 personnes sont jugées à partir du 31 janvier, à Bruxelles. Et les éléments de preuve sont minces.
Il y a presque cinq ans jour pour jour que s’est joué un « coup » que l’on pensait infaisable. Dans une Belgique où l’époque des casses spectaculaires et du grand banditisme paraît lointaine, une équipe de huit personnes réalise le braquage le plus audacieux et efficace de l’histoire du pays: celui du tarmac de Zaventem.
Réalisé en l’espace de trois à quatre minutes, il a gardé une grande partie de son mystère. L’enquête de police, minutieuse et réalisée entre la Suisse, la France, le Maroc et l’Italie, a permis d’identifier une flopée de responsables présumés. Certains sont en aveux. Mais les charges restent minces pour une large partie d’entre eux et le tribunal correctionnel de Bruxelles aura la lourde charge de trier le bon grain de l’ivraie. Le procès-fleuve du « casse du siècle » s’annonce comme un polar à l’ancienne où le scénariste sait ménager les effets.
L’affaire débute trois ans avant les faits. La nuit du 2 au 3 janvier 2010, une Audi A8 de 500 chevaux est volée chez son propriétaire, avenue du Chili, à Bruxelles. Rebelote la nuit du 28 au 29 janvier 2013. Plusieurs voleurs forcent le portail d’entrée et trois portes de bureau de la firme « Huur een Stuur », à Zaventem. Trois puissants véhicules (deux Mercedes Viano et une Fiat Diablo) sont volés. L’enquête de police est minime et aucun élément n’est conservé. La Fiat Doblo sera retrouvée incendiée à Schaerbeek, quelques jours plus tard. La nuit du 17 au 18 février, veille du casse, les plaques d’immatriculation d’une Citroën ZX et d’une Skoda Fabia sont volées en pleine rue, à Laeken et Vilvorde. Tout est en place pour le grand soir.
Tout s’est passé très vite
Nous sommes le 18 février 2013. Il est 19h53. La nuit est tombée depuis plusieurs heures dans la zone non accessible au public du tarmac du Brussels National Airport. Vêtus de vêtements de couleurs sombres, encagoulés, lourdement armés, huit hommes circulant dans une Mercedes Viano et une Audi A8 découpent une clôture de protection jouxtant les bâtiments de la morgue de l’aéroport. Les deux voitures déboulent sur la piste, à tombeau ouvert. Elles s’intègrent au trafic « Airside » et filent vers un Fokker 100 de la compagnie Helvetic Airway, qui venait de fermer ses soutes avant le décollage pour sa destination: Zurich.
diamantaires
La discrète évolution de la sécurité
Les professionnels du diamant gravitent dans le culte du secret depuis toujours. La sécurité est au centre de leurs préoccupations.
Le braquage du 18 février 2013 et la disparition de plus de 30 millions d’euros en diamants ont eu des conséquences sur les process du secteur. L’Antwerp World Diamond Center (AWDC), fondation privée qui défend les intérêts collectifs des diamantaires anversois, rappelle que « des mesures de sécurité supplémentaires ont été prises en consultation avec toutes les parties prenantes impliquées, qu’elles soient publiques ou privées ».
Parmi ces mesures, on retrouve une analyse régulière des menaces et risques, un « profilage prédictif« , mais aussi un meilleur équipement électronique dans les bâtiments et véhicules à sécuriser. Le nombre de surveillants, « visibles et invisibles », a été augmenté autour des zones sensibles. « Depuis le vol et jusqu’à présent, ces mesures supplémentaires ont été efficaces », observe Margaux Donckier, la porte-parole de l’AWDC.
Tout se passe très vite. Les témoins à bord de l’avion (29 passagers et 4 membres d’équipage) pensent à une intervention de police. Ils repèrent des gyrophares bleus, des uniformes de forces de l’ordre, des brassards orange et des armes portant des viseurs laser de couleur verte. Seuls quelques-uns semblent comprendre ce qui se passe: le personnel aéroportuaire et celui de la Brinks, tenus en respect par les hommes armés. Ceux-ci sont bien organisés. Ils se répartissent la zone de travail en secteurs, observeront plus tard les enquêteurs, à la vue des images de vidéosurveillance. Des hommes sont chargés de couvrir ceux qui braquent les membres de la sécurité, pendant que les derniers s’occupent d’ouvrir la soute de l’avion.
Le personnel du Fokker 100 appelle la tour de contrôle pour vérifier si c’est bien la police qui est présente. La tour prend quelques secondes pour répondre qu’elle n’est pas avisée d’une quelconque manœuvre policière, et envoie une équipe de sécurité. Mais il est déjà trop tard. Les braqueurs sont repartis, « avant même que la police soit informée et que quiconque réalise que l’avion vient d’être attaqué« , écrivent les enquêteurs, stupéfaits. Les auteurs repartent par où ils sont arrivés et prennent les petites rues qui jouxtent l’aéroport. Leur dernier signalement sera repéré au carrefour entre la chaussée de Haecht et la Broekstraat de Vilvorde. Au même moment, une Mercedes Viano prend feu à Asse. On sait aujourd’hui qu’il s’agissait d’une manœuvre de diversion afin que l’hélicoptère de la police fédérale y soit envoyé, permettant la fuite des véritables auteurs.
5 minutes 40 secondes de conversation
La manœuvre a été couronnée de succès. Les voleurs se sont volatilisés avec 120 colis sur les 172 que comprenait le Fokker 100. Parmi le butin, du rodium, des métaux précieux, de l’or, du platine, des diamants taillés et non taillés. Le butin définitif est évalué à la valeur démentielle de 37.919.167,37 euros. Le plus important jamais comptabilisé en Belgique. La police judiciaire fédérale est face à un formidable puzzle et une page blanche.
Très vite, une source policière met les enquêteurs sur la piste de cinq suspects, des quadragénaires bruxellois au lourd passé de grand banditisme. Des agents infiltrés sont déployés, des micros posés, les GSM placés sur écoute. Les enquêteurs s’intéressent particulièrement à une femme, ancienne policière à Schaerbeek: Christelle C., née en 1981. Elle est la compagne de Tarek Bouazza, expert en vol à main armée.
Elle a été en contact avec un Français connu du milieu, le Messin Marc Bertoldi, surnommé « Quentin Tarantino » ou « Le Grand Marco ». C’est par l’intermédiaire de ce dernier que l’enquête progresse. En mars 2013, les policiers apprennent qu’il roule carrosse au Maroc (Ferrari, Porsche…) et l’on parle de diamants à vendre. En avril, des sources policières suisses informent que Bertoldi aurait pris contact avec la pègre helvétique. Grâce à un promoteur immobilier suisse, son ami Pascal Pont, Bertoldi tente de revendre des diamants. Seraient-ce ceux du braquage?
À Bruxelles, l’enquête se poursuit autour des receleurs présumés. Le GSM d’un suspect placé sur écoute reste allumé dans un bar bruxellois et les policiers peuvent entendre 5 minutes et 40 secondes de discussion autour du cours de l’or et des carats. Le ton monte, car l’un des receleurs présumés, Miroslav R. dit « Doc », se plaint de pierres mal taillées.
Un coffre-fort, une peluche Winnie l’ourson
Début mai, les policiers ont déjà une idée des responsables du « coup ». Plusieurs suspects du braquage en lui-même sont identifiés. Reste à avancer ses pions. À ce petit jeu, ce sont les Français qui tirent les premiers. Le 7 mai 2013, Marc Bertoldi est arrêté devant chez sa mère, à Nancy (Meurthe-et-Moselle), au volant d’une Porsche Panamera immatriculée en Suisse au nom de son ami Pascal Pont. Il possède 60.000 euros en cash.
En garde à vue, Bertoldi appelle un avocat suisse et lui apprend la nouvelle. Cet avocat appelle Pascal Pont. Ils se fixent rendez-vous. Pont remet une clé à son avocat… sous les yeux des policiers suisses, qui les arrêtent. Cette clé ouvre le coffre du sous-sol de la luxueuse demeure de Pascal Pont, à Champel (Suisse). Les enquêteurs y retrouvent une partie du butin, soit l’équivalent de 5,7 millions d’euros en diamants.
Dès le lendemain, le 8 mai, la police belge lance une immense opération. 36 perquisitions sont menées en région bruxelloise et dans les Brabants flamand et wallon. Les résultats sont là: chez le beau-frère d’un suspect, Nordin E. H., on trouve des gilets pare-balles. Dans une peluche Winnie l’ourson retrouvée chez Nordin E. H., voici 50.000 euros en cash, portant l’ADN de Tarek Bouazza.
Serré de près par la police, Bertoldi, contre qui les charges sont les plus évidentes, reconnaît partiellement les faits. « Le but était une discussion sur l’écoulement des pierres, la discussion s’est tenue à Bruxelles », explique-t-il aux enquêteurs en parlant d’une rencontre quelques jours après les faits, avec plusieurs suspects du braquage.
Selon la plupart des avocats des prévenus, contactés par L’Echo, le procès s’annonce des plus incertains. Car, hormis le cas Bertoldi, l’un des plus importants receleurs, les charges sont minces. Aucune arme n’a été trouvée. Il n’est pas certain que les gilets pare-balles et les cagoules retrouvées soient ceux utilisés le jour des faits. Quant au butin, la grande majorité a disparu dans la nature. La juge Martine Devos aura fort à faire.
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